Des nouvelles de Michèle Bayar, autrice jeunesse, humeur, ouvrages, articles, rencontres : en 2024 masterclass "Écrire à voix haute"
7 Juillet 2015
La femme cardinale de Julie Cuvillier-Courtot
Je l'ai lu de bout en bout sans m'arrêter. Je suis arrivée à la fin, essoufflée, perplexe, admirative. L'auteur prend le parti de rompre le secret, de traquer la vie plutôt que l'opinion, de décrire la beauté des amours plutôt que leur issue fatale (la séparation des jeunes amants et l'abandon de l'enfant). Aucune mièvrerie cependant. Il aurait fallu si peu de choses pour que les protagonistes défendent leur bonheur ! Un terrain propice, une compréhension affectueuse. Mais le qu'en dira-t-on plane de façon mortifère sur tout le récit dans les attitudes et la langue des parents de la jeune fille amoureuse, eux-mêmes présentés comme des victimes. Jusqu'où ira-t-on dans le malheur avant d'accepter l'autre dans ses différences ? Avant d'accepter que nos enfants vivent ?
Jusqu'à parler ! Jusqu'à se parler ! C'est la réponse que m'offre en filigrane ce texte courageux où la parole et la compassion, sans pathos, sont libératrices.
Mère, mon Algérie d'Anne-Marie Carthé
J'ai été troublée par le début, la mère regardant la photo, puis j'ai accepté ces irruptions de la poésie tout au long du livre. Elles donnent du flou au paysage, renforçant la sensation d'enfermement, avec des brèches sur une dimension infinie qui apparaissent ça et là au détour de ce récit fragmenté : ainsi page 56, suivant les promesses faites à elle-même et les projets de l'héroïne, que l'on sent ténus dans le contexte, ces quelques mots : "On meurt inachevé".
L'auteur a su restituer avec subtilité la convivance des classes moyennes des années cinquante dans un climat de danger constant. Elle a su dire l'impuissance de ceux qui voulaient vivre ensemble sans parvenir à choisir un camp, sinon celui de la fraternité.
L'Algérie, les Pieds-Noirs, l'exode...
Une table ronde pendant la fête du Travailleur Catalan autour des ouvrages présentés par la librairie Torcatis :
- Nicolas Lebourg et Abderahmen Moumen, historiens, Rivesaltes, le camp de la France, de 1939 à nos jours, pour découvrir la grande diversité de vie et de destin des harkis,
- Fred Neidhart et son roman graphique, Les Pieds-noirs à la mer, préfacé par Joann Sfar, qui ose montrer la schizophrénie dans laquelle ont vécu ceux qui n'étaient pas obligatoirement des colons,
- Pierre Jamard, dont les Mémoires d'Algérie nous invitent à découvrir un autre rapport au temps dans l'univers francophone et amical qu'il a exploré,
- Roger Hillel, préfacé par Eric Savarese, historien, juxtapose dans La triade nostalgérique, les points de vue aujourd'hui encore divergents sur la période coloniale et les confronte aux données des historiens.
Un bonheur de découvrir ces textes qui tous portent un regard neuf sur un sujet étouffé par les poncifs et les clichés. Ils me renvoient ainsi tout un pan de mon histoire dans sa vérité complexe, hors de toute polémique. Une plongée dans le passé ? Peut-être, mais à l'oxygène ! Avec du bon matériel et des paliers de décompression. Euphorisant.