Des nouvelles de Michèle Bayar, autrice jeunesse, humeur, ouvrages, articles, rencontres : en 2024 masterclass "Écrire à voix haute"
Un jour, un drôle d’animal est apparu dans notre jardin. Il se faufilait entre les buissons, semblant glisser au sol.
Les animaux du jardin se regroupèrent sous un arbre pour commenter l’événement.
Le chien, très intrigué, flaira le sol, tendit l’oreille.
- Où est-il passé ?
Le chat, de sa vue perçante, parvint enfin à apercevoir l’étrange animal : il ressemblait à un gros ver de terre, filant à toute vitesse d’un buisson à l’autre.
L’animal était si rapide qu’on aurait dit une ombre rampant sous les branchages.
La pie curieuse, se moqua de lui :
- Regardez-moi ce monstre ! Quelle laideur ! Il fait bien de se cacher ! Pas de bec pour croquer… aucune plume, aucune couleur…
- Les couleurs, je les aurai, répondit l’animal tapi sous les buissons.
Le chien s’inquiéta :
- Mais tu n’as pas de poils. Et ta peau est toute gluante…
- Un jour j’aurai une autre peau ! répondit l’animal, agacé.
Les gentils papillons insistèrent :
-Tu n’as pas d’antennes, comment fais-tu pour sentir ? Et puis sans ailes, comment voles-tu ?
- C’est vrai, je ne peux pas voler, répondit l’ombre cachée, mais vous, vous ne savez pas ramper !
Le chat ajouta alors :
- Tu n’as pas de moustaches, comment fais-tu pour te déplacer la nuit ? Et puis, sans un joli pelage comme le mien, qui peut avoir envie de te caresser ?
- On ne me caresse pas, répondit l’animal. Je suis insaisissable.
Le chien renchérit :
- C’est vrai que tu es rapide, mais je me demande bien comment tu arrives à chasser. Car tu n’as pas de nez, pas de flair… Alors, que manges-tu donc ?
- Je mange des petits rongeurs c’est moi qui protège les jeunes arbres que l’on vient de planter, en les débarrassant des insectes qui dévorent leurs feuilles.
La pie moqueuse se mit à rire :
- Je ne te crois pas ! Comment pourrais-tu faire ça, toi qui n’es qu’un gros ver de terre ?
Le petit animal, vexé, décida qu’il en avait assez entendu. Voyant qu’on se moquait de lui, il s’enfuit sous les buissons et laissa les autres parler. Il vécut à l’écart des autres animaux jusqu’au soir où éclata un gros orage.
Ce soir-là, tous les animaux du jardin se réfugièrent sous un mûrier platane pour s’abriter de la pluie, même l’étrange animal rampant. Une chouette curieuse vint les rejoindre et se posa sur une branche.
- Oh ! un bébé « couleuvre » ! dit-elle. Moi je connais bien cet animal. Ne vous moquez pas d’elle. Un jour, vous verrez, elle va se transformer et elle va vous étonner !
Les animaux, surpris, se demandaient de quelle transformation parlait la chouette et à quoi pourrait ressembler cette petite couleuvre en grandissant. En attendant, elle restait le plus souvent cachée et même la pie, curieuse, cessa de se moquer quand elle l’apercevait.
Un matin, tous furent étonnés lorsqu’ils virent un serpent magnifique se faufilant entre les herbes. Sa peau luisait au soleil et ses écailles multicolores scintillaient comme des milliers de petits diamants.
La chouette avait raison.
- C’est bien toi ? demandèrent à la couleuvre les animaux étonnés ? Que t’est-il arrivé ?
- Oui, c’est moi, répondit la couleuvre. J’ai grandi, j’ai mué et me revoilà. Maintenant, je suis plus forte, je n’ai plus peur de me montrer. Si vous voulez, nous pouvons être amis.
La pie n’en croyait pas ses yeux. La petite bête craintive était devenue ce vrai serpent ? Elle regretta de s’être moquée et voulut se faire pardonner.
- Je suis d’accord, dit-elle. Je ne me moquerai plus de toi.
- À l’avenir, déclara le chien, tu feras partie de notre famille « du jardin », tu n’auras plus besoin de te cacher.
Le chat et les papillons approuvèrent ces paroles.
- Oui, reprit la pie qui voulait avoir le dernier mot : « Nous, les animaux du jardin, nous sommes tous parents, tous différents » !
Et c’est ainsi que la couleuvre s’installa parmi eux.