Des nouvelles de Michèle Bayar, autrice jeunesse, humeur, ouvrages, articles, rencontres : en 2024 masterclass "Écrire à voix haute"
ASTRID OU LA JOIE DE VIVRE
CM1 mme Grimberg
Aujourd’hui, nous sommes le premier lundi de mars, et Astrid a le trac parce qu’elle arrive dans une nouvelle école. C’est difficile pour elle car elle est certaine que dans cette classe de CM1 tous les élèves se connaissent déjà. Pourquoi a-t-il fallu que ses parents déménagent dans le sud de la France pour ce nouveau travail ? Va-t-elle réussir à se faire de nouveaux amis ? Plein de questions lui traversent l’esprit mais elle reste confiante car elle est optimiste de nature.
La directrice de l’école accompagne Astrid dans sa classe et lui demande de se présenter.
«Je m’appelle Astrid, j’ai neuf ans et je viens de Belgique.»
Tous les regards sont tournés vers elle et quelques rires étouffés se font entendre.
«T’as vu son accent pourri ?» murmure Maxence à sa voisine Valentine qui ricane avec lui.
La maîtresse, qui n’a pas entendu les ricanements, demande à Astrid d’aller s’asseoir à la seule place qui reste libre, à côté de Pablo.
Après deux heures de travail intensif… Dring ! La sonnerie retentit. C’est l’heure d’aller en récréation. Tous les élèves sortent de la classe pour aller dans la cour.
«Tu veux un bout de ma «couque» au chocolat ? demande Astrid.
— Tu ne sais même pas parler, la Belge ! Ça s’appelle un pain au chocolat, pas une «couque» !» se moque Maxence qui répond à la place de Pablo.
Il parle tellement fort que des élèves autour d’eux recommencent à ricaner, tandis que Pablo reste muet. Dépitée, la petite fille va s’asseoir sur un banc pour manger son goûter.
Le reste de la journée file à toute allure sans autre incident, et l’école est déjà finie. Astrid rentre chez elle, enlève ses chaussures, va dans sa chambre et balance son cartable dans un coin. Elle grimpe sur son lit et fait un gros câlin à Cookie, son chat, qui dormait tranquillement, étalé de tout son long sur sa couette.
«Oh, mon petit chat d’amour, comme tu m’as manqué ! Je suis dégoûtée, ma première journée ne s’est pas passée comme je l’espérais. Les élèves n’ont pas été sympas avec moi. Ils n’aiment pas mon accent, et en plus ils parlent bizarrement… J’espère que demain ça ira mieux...»
Pour se remonter le moral, Astrid écoute de la musique jusqu’à ce que ses parents l’appellent pour passer à table.
«Alors, ma chérie, comment s’est passée ta première journée dans ta nouvelle école ? lui demande sa maman.
— C'était une journée à peu près normale, sauf que les gens d'ici ont un drôle d'accent et n'ont pas les mêmes mots que nous. Je ne sais pas si je vais réussir à me faire des amis...»
Sa maman la rassure :
«Ne t’inquiète pas, ce n’est que le premier jour. Tu vas t’y habituer, et tes nouveaux camarades vont bientôt t’apprécier, tu auras vite plein d’amis !»
Ce soir-là, Astrid lit quelques pages d’un nouveau roman dans son lit mais ses paupières sont lourdes, et elle s’endort sans même s’en rendre compte…
Le lendemain matin, Astrid part à l’école après avoir fait un dernier câlin à Cookie pour se donner du courage.
En la voyant arriver dans la cour de l’école, Maxence - encore lui - se met à rigoler.
«Eh, ton cartable il est trop moche ! Tu l’as trouvé dans une poubelle ?»
Astrid hausse les épaules et ne se donne même pas la peine de lui répondre.
Une fois rentrés en classe, les élèves s’installent.
«Évaluation surprise de géométrie, annonce la maîtresse. Sortez vos affaires et tracez un carré de cinq centimètres de côté sur la fiche que je vous donne.
— Tu peux me passer une latte s’il te plaît ? demande Astrid à Pablo.
— Une latte ? C’est quoi ce truc ?»
Astrid désigne la règle de Pablo ; celui-ci la lui tend, mais la voix de Maxence murmure derrière elle :
«Décidément, t’as toujours pas appris à parler, la Belge ! »
Il se met une fois de plus à ricaner, suivi par Valentine et Pablo, mais ce dernier est un peu mal à l’aise. C’est vrai qu’elle parle bizarrement, la nouvelle, mais elle a l’air plutôt gentille…
Ne voulant pas faire d’histoires malgré la colère qui commence à monter en elle, Astrid prend sur elle et ignore Maxence et ses piques pour le restant de la journée.
Mercredi arrive enfin ! Une journée de répit pour Astrid qui se réjouit de pouvoir aller à la piscine municipale. Elle rentre dans le bassin et rejoint le couloir des bons nageurs. Des longueurs de dos crawlé lui permettent d'évacuer son stress et de se vider la tête.
Soudain, quelqu’un la percute. Elle se retourne et découvre Maxence qui ne s’excuse même pas. Elle se demande ce qu’il fait là. L’a-t-il suivie jusqu’ici ?
«Est-ce que tu peux changer de ligne s’il te plaît Maxence ? lui demande-t-elle.
— Eh, toi, le garçon au bonnet bleu, sors de cette ligne et va dans celle des débutants ! » crie le maître-nageur à Maxence.
Vexé et humilié, le garçon préfère sortir de la piscine et rentrer chez lui.
Le lendemain matin, en arrivant dans la cour, Astrid espère que les choses vont s’arranger entre Maxence et elle. Faisant preuve de gentillesse, elle décide de lui parler :
«Pourquoi es-tu parti aussi vite de la piscine hier ? Tu avais froid ?
— C’est pas tes oignons, la Belge, occupe-toi de tes affaires !»
Les jours passent, les moqueries de Maxence continuent, tout comme les rires des autres élèves.
Heureusement, le week-end arrive !
«Deux jours sans voir l’autre idiot et toute sa clique, se dit Astrid, ça va me faire des vacances !»
Elle profite de ces deux jours pour faire de la pâtisserie avec sa maman, se promener et visiter le village avec son papa, arranger un peu la décoration de sa chambre, jouer dans son nouveau jardin, et surtout faire plein de papouilles à Cookie qui ne demande pas mieux.
C’est grâce à son chat qu’Astrid arrive à surmonter les difficultés qu’elle rencontre à l’école. Mais dimanche en fin de matinée, c’est la catastrophe ! Profitant d’une fenêtre restée ouverte, Cookie a fugué !
La famille sort, et tous cherchent Cookie dans le quartier, et puis même dans tout le village. Les parents d’Astrid lancent un appel sur les réseaux sociaux, mais Cookie n’est toujours pas revenu au moment d’aller au lit.
Astrid n’arrive pas à dormir car elle s’inquiète pour son chat ; elle se retourne dans son lit, se lève plusieurs fois pendant la nuit pour vérifier si Cookie n’est pas de retour, et quand le lundi matin arrive, elle est épuisée et au bord des larmes car le matou est toujours introuvable.
En arrivant à l’école, Astrid a le cœur lourd.
«Dis donc, la Belge, tu en as une tête de zombie ! se moque Maxence.
— Mon chat a disparu, je ne l’ai pas revu depuis hier, je m’inquiète tellement que je n’en ai pas dormi de la nuit.
— Peut-être qu’il en avait marre de te voir ?»
C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase ! Astrid éclate en sanglots.
«Là tu dépasses les bornes Maxence ! intervient Pablo. Tu ne te souviens pas dans quel état tu étais l’année dernière après avoir perdu ton chien ?»
Surpris par la réaction de Pablo, Maxence devient silencieux. Oui, c’est vrai, il était tellement triste quand son chien Tonnerre est mort l’année dernière...
Ce jour-là, Maxence arrête d’embêter Astrid. Quelquefois, les bonnes nouvelles arrivent par deux. En rentrant chez elle ce soir-là, Astrid retrouve Cookie, et dans les jours qui suivent elle va à l’école avec plaisir. Elle se fait des amis, et Pablo lui demande même de rejoindre son équipe de foot. Et même si Maxence et elle s’ignorent encore, ils pourront peut-être repartir du bon pied et devenir amis. Qui sait ?