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 L'AMOUR DES LIVRES

Michèle Bayar

La querelle des saisons...

La querelle des saisons ®

 

Autrefois, il n’y avait que deux saisons au pays d’oc : l’hiver et l’été, qui se partageaient l’année.

L’hiver arrivait le 21 décembre et cédait la place à l’été le 21 juin.

Quelle était la saison la plus importante ?

L’hiver et l’été se posèrent la question et finirent par se disputer à ce sujet.

 

A la suite de cette dispute, l’été, vexé, se retira et l’hiver régna sur le pays une année entière !

Cette année-ci fut l’année de l’hiver. Il fit si froid que tous les champs gelèrent. Les escargots se pelotonnèrent tout au fond de leur coquille et les limaces orange restèrent sous la croûte de terre glacée pendant de longs mois.

 

Cette année-ci, l’année de l’hiver, les paysans ne purent rien planter, il leur fut impossible de labourer la terre gelée. Les hirondelles qui descendaient vers le sud s’arrêtèrent au pays d’oc dans l’espoir de se restaurer avec quelques graines. Elles ne trouvèrent que neige et verglas. Il n’y eut rien à manger pour elles, au pays d’oc, cette année-ci. La terre était dure comme un caillou et froide comme un sorbet.

 

Cette année-ci fut l’année où l’hiver figea l’eau des rivières. Les poissons qui montaient à la surface pour respirer devinrent prisonniers d’une épaisse couche de glace.

Cette année-ci, l’année qui n’avait pas vu l’été, les lézards ne mirent pas le nez dehors et restèrent dans les creux des rochers.

 

En peu de temps, il n’y eut plus rien à manger. Bêtes et gens eurent faim. Cette situation ne pouvait plus durer. Les paysans, les escargots et les limaces orange, les hirondelles, les poissons des rivières, les lézards et plus généralement tous les êtres vivants du pays d’oc unirent leur voix pour appeler l’été.

 

Flatté que l’on ait besoin de lui, l’été arriva. Vexé, l’hiver s’enfuit. L’été jeta un voile de chaleur sur le pays et régna une année entière ! L’eau des rivières se remit à couler, la terre reprit sa souplesse et les arbres se couvrirent de feuilles.

 

Cette année-là fut l’année de l’été. Il fit si chaud que les fruits furent brûlés par le soleil. Ni les gens ni les hirondelles ni les petits moineaux n’eurent le temps de cueillir ou de picorer les pommes et les poires, les pêches et les abricots. Il faisait si chaud que les fruits séchaient avant même de mûrir.

 

Cette année-là, le soleil brilla tant et tant qu’on ne vit pas la pluie. L’eau des rivières s’évapora peu à peu et elles cessèrent de couler. Les pauvres poissons abandonnés sur les galets furent terrassés par la chaleur insupportable. Les lézards eux-mêmes n’osèrent pas lézarder au soleil de crainte d’être grillés.

 

Cette année-là, l’année de l’été sans trêve, la terre devint toute craquelée tant elle manquait d’eau. Les escargots n’avaient plus de salive pour baver, les limaces devenues maigres comme des vers creusèrent la terre, le plus profond possible, pour trouver un peu d’humidité. Cette année-là, elles ne virent jamais le jour. Les hirondelles épuisées par leur long voyage ne trouvèrent pas le moindre cours d’eau pour s’abreuver.

 

Cette année-là, l’année de l’été, bêtes et gens eurent soif. C’était insupportable. Les paysans, les escargots et les limaces orange, les poissons des rivières, les hirondelles, les lézards et plus généralement tous les êtres vivants du pays d’oc unirent leur voix pour appeler l’hiver.

 

 

 

L’hiver arriva aussitôt. Avant que l’été ne se sauve, les habitants du pays d’oc déclarèrent qu’il leur fallait deux saisons pour être heureux : l’hiver ET l’été. Cela tombait bien. Durant leur long règne solitaire, l’hiver et l’été s’étaient ennuyés l’un de l’autre. Penauds et tout heureux de se réconcilier, ils se promirent de donner aux habitants du pays d’oc les plus belles des saisons.

 

D’abord, il fallut parer au plus urgent. L’hiver couvrit les champs de neige pendant plusieurs mois afin que la terre se repose, puis il s’adoucit en pluie pour remplir les rivières. Alors, discrètement, il appela l’été. L’été vint le rejoindre. C’était la première fois qu’ils régnaient ensemble.

 

Ils donnèrent naissance au printemps. Les arbres prirent le temps de fleurir, les rivières de chanter, les champs de reverdir. De nouvelles fleurs poussèrent. Elles sentaient bon, elles étaient sucrées, elles abritaient du soleil, chacun leur trouva un charme particulier. Tous les habitants du pays d’oc adorèrent le printemps.

 

Ensuite, il fallut de la chaleur pour mûrir les fruits. L’hiver s’en alla sur la pointe des pieds et le soleil de l’été resplendit. Après avoir blondi les blés, lorsque les moissons s’achevèrent, lorsque les raisins bien doux furent récoltés, l’été se couvrit de nuages et appela discrètement l’hiver.

 

L’hiver, qui n’attendait que ça, vint rejoindre l’été. C’était la seconde fois qu’ils régnaient ensemble sur le pays, les feuilles des arbres jaunirent, rougirent, puis vinrent couvrir la terre d’un tapis moelleux. L’automne était né. La pluie tomba sur cette couverture et donna naissance à des tas de champignons odorants. Les escargots et les limaces se promenèrent parmi les fougères. La forêt s’endormit. Les gens du pays d’oc purent couper le bois mort avant la rigueur de l’hiver et, quand l’été se retira, chacun était prêt pour le froid.

 

Depuis ce temps-là, il y a quatre saisons au pays d’oc, pour la plus grande joie des paysans, des escargots et des limaces oranges, des hirondelles, des lézards, des poissons des rivières et plus généralement pour le bonheur tous les êtres vivants au pays d’oc.

 

 

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