11 Avril 2011
Trois-quarts d’heure de bateau, une heure de car, trois heures de TGV, une étape parisienne, onze heures de vol et j’arrive à Tananarive, de l’autre côté de la Terre, presque en bon état. Madagascar, ça se mérite ! Il est six heures du matin, la saison des pluies s’achève et l’automne s’installe. Le temps hésite, d’averses tièdes en éclaircies fulgurantes. Des nuages se forment et se défont dans un ciel grandiose. La ville s’étend d’une colline à l’autre en suivant des routes étroites et sinueuses, bordées de jacarandas, de néfliers, d’avocatiers, d’eucalyptus, de frangipaniers.
Et pourtant, mon premier vertige ne vient pas du paysage mais d’une rencontre. Elle a dix-sept ans, se prénomme Lila. Elle me montre les mosaïques et l’aquarelle géante qu’elle a réalisées pour la journée de l’environnement du lycée français. J’étouffe un bâillement, j’offre un œil distrait et poli qui soudain devient plus aigu.
L’aquarelle présente des arbres vus en contre plongée. Lila l’a nommée « Minuscule » « L’immensité vous regarde, vous faites partie du décor ». Sa fresque narrative nommée « A toi de choisir » propose trois façons de regarder et de décider de l’avenir d’une fleur : « (…) ne rien faire reviendrait à laisser le feu la consumer ; la conserver à tout jamais sous une cloche de verre, pas tout à fait vivante, pas tout à fait morte, figée artificiellement dans le temps ; enfin, suivre la volonté de la nature. Cette fleur est arrivée à la fin de sa vie, elle a pris soin d’assurer la pérennité de son espèce, donnons-lui juste un petit coup de main ».
L’exposition de Lila est protéiforme : à l’aquarelle et à la fresque s’ajoutent une sculpture : « L’éveil des consciences », deux séries de photos « L’art de la nature » et « Prendre le temps d’observer », puis un pastel « Le dernier ». L’idée est qu’un individu pourrait se rendre compte un jour qu’il n’achète pas du papier ou du bois de chauffe mais de la forêt, des arbres, des êtres vivants.
Cette passionnée d’environnement cite, entre autres, Olivier Messiaen, Aristote « Le spectacle de la nature est toujours beau » et Victor Hugo « C’est une triste chose de penser que la nature parle et que le genre humain n’écoute pas ». « (…) Parce que fermer le robinet quand on se brosse les dents est un geste citoyen mais que c’est un peu hypocrite de focaliser dessus pendant que de grosses multinationales continuent à polluer par profit. La crise écologique que l’on est en train de vivre est due à l’homme. La planète a connu des taux de CO2 atmosphériques bien plus importants que ce que l’on pourrait imaginer, des périodes sans aucune calotte glaciaire. L’enjeu, ce n’est pas la planète mais l’humanité. La terre a survécu à d’autres crises. C’est l’humanité qui est menacée. En détruisant l’écosystème dont il fait partie, l’homme scie la branche sur laquelle il est assis. »
Et cette jeune fille de conclure : « On est mal barrés mais je suis confiante. Il faut qu’on se mobilise plus, qu’on dépasse le stade de l’individualité, qu’on agisse ensemble de façon économique, sociale et environnementale… »
Elle s’y prépare. Qui a dit que les jeunes étaient désenchantés ?