23 Décembre 2018
L’année de l’enfant
« Cette année-la, ils furent nombreux à avoir vu l’enfant sur le front de mer. La plupart en ont témoigné, Alice la première. C’est l’année où elle a trouvé le petit naufragé au pied de la statue de Maillol - la fessue, pas l’autre. Il était tout mouillé, transi de froid, quand elle est sortie promener le chien au petit matin. Il n’avait l’air de rien, cet enfant ! C’est ce qu’elle a raconté, tout étonnée : il a changé sa vie…
Plus tard, Gustave, un éternel nostalgique qu'on voit contempler la mer,
tout seul pendant des heures, est apparu en compagnie d’une brune de son âge que personne ne connaît…
Paraît que c’est Leila, son grand amour de jeunesse, et qu’il l’a retrouvée grâce à un enfant espiègle venu s’asseoir à côté de lui, au pied de la fessue, le matin de Noël.
Mais tout ça, c’est anecdotique.
Le plus invraisemblable s’est produit en début de soirée, après la fermeture de la patinoire. Amédée Dugrandpoint, un chasseur de relique parisien dont la photo s’est étalée le lendemain dans toute la presse locale, a raconté l’histoire d’un enfant androgyne nommé Lexia qui était venu récupérer l’étoile manquante de la constellation aux quatre étoiles nommée Lexius. Selon lui, l’enfant était appuyé contre les jambes de la fessue et, quand il l’a vu arriver, il a brandi l’étoile qui a jeté une lumière aveuglante et s’est envolé avec elle. Le ciel de nuit en fut tout illuminé. Deux pêcheurs ont vu cette étoile filante et ont fait un vœu. Une jeune fille qui pleurait sur la plage a rencontré une enfant aux yeux couleur de lune au même moment. Pour le reste, Amédée Dugrandpoint s’est avéré confus. Pour lui, l’enfant sacré à la pureté irréprochable était un sauveur de l’équilibre cosmique. Ce qui le faisait pleurer : cet enfant lui avait ravi un trésor… L’homme avide d’objets d’art avait-il perdu la raison ?
Camille, en revanche, a été très claire. Elle est arrivée en fin de soirée, il n’y avait plus personne. Elle a pris des photos de la fessue en se demandant ce qu’elle était venue faire à Banyuls, surtout un soir de Noël, alors qu’elle s’était juré, autrefois, de ne plus jamais y remettre les pieds. Sur chacune de ses photos apparaissait un enfant alors qu’elle ne le voyait pas. Elle s’est assise à côté de l’emplacement où il se trouvait sur la photo et elle s’est tournée vers l’enfant. Et il – enfin, elle – est apparue. Camille était cardiaque – elle ne manque jamais de le signaler quand elle raconte son histoire. Mais ce soir-là, elle n’a pas eu peur. L’enfant était familier – enfin, familière. Plus que familière. Elle l’a reconnu… reconnue… C’était elle ! Elle-même. Aujourd’hui elle aime préciser que c’était son enfant intérieur, celui qu’elle avait cru mort. La petite fille lui a souri, puis s’est dissipée comme une fumée et s’est glissée sous ses vêtements à l’endroit du cœur. Oui ! à l’endroit du cœur… Les gens qui la connaissent vous le diront : cette année-là, elle a retrouvé la sérénité. Cette année-là… l'année de l'enfant.
Un peu d’Histoire
« L’action enchaînée » d’Aristide Maillol, surnommée « la fessue » par les Banyulencs, a été commandée au sculpteur par Clémenceau en hommage à Auguste Blanqui. Le temps des statues figurant un homme en redingote, figé dans sa gloire posthume, est révolu. On veut une œuvre symbolisant le destin exceptionnel du grand révolutionnaire du XIXe siècle.
Maillol, qui ne sculpte que des nus féminins répond : « Je vous ferai un beau cul de femme, ce sera la liberté enchaînée ».
Ceci n’est pas un conte, mais un extrait condensé d’un article de Wikipédia. Comme quoi, la réalité dépasse parfois la fiction. Qu’en aurait pensé Auguste Blanqui ?
Merci à Brigitte M. / Brigitte S. / Christiane L. / Isabelle H. / Laurence B. / Marie-Christine R. / Martine V. / Mireille B. / Nathalie D. / Monique. C et les jeunes Valentin L-H. et Claire B. pour les fragments que j'ai assemblés.
Ce conte est né d'un atelier d'écriture sous la pluie, un dimanche de décembre. Liberto C. nous a offert les photos.
MERCI A EUX ET JOYEUX NOËL A TOU.TE.S !